Le crédo de Jacques Sternberg

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Clara

Le crédo de Jacques Sternberg

Message par Clara » sam. 28 avr. 2012 01:08

Bonjour,

Mon sujet d'histoire des arts porte sur la nouvelle de Jacques Sternberg : le Crédo, (ci dessous)

Or je bloque sur certaine questions :

- Relevez dans le quatrième et cinquième paragraphe les termes utilisés pour désigner l'objectif à atteindre. Comment pourriez-vous les qualifier ?

- A partir du sixième paragraphe, quelles expressions marquent la chronologie du récit ? Quelle impression cette accumulation produit-elle ?

et enfin
- Selon vous, quel est le sens de cette nouvelle ?
Pour cette question je pense savoir mais je n'en suis pas du tout sûre, je pense que le sens de cette nouvelle est la force que la publicité a sur l'esprit et que la publicité peut dicter nos choix et notre conduite si on est aveuglé par elle. Je doute de ma réponse ...

LE CREDO :
Il avait toujours été fasciné par la publicité à la télévision. Il n'en manquait jamais aucune, les jugeait pleines d'humour, d'invention, et même les films l'intéressaient moins que les coupures publicitaires dont ils étaient lardés. Et pourtant la pub ne le poussait guère à la consommation effrénée, loin de là. Sans être avare, ni particulièrement économe, il n'associait pas du tout la publicité à la notion d'achat.
Jusqu'au jour où il abandonna son apathie d'avaleur d'images pour prendre quelque recul et constater que la plupart des pubs ménagères, alimentaires, vacancières ou banalement utilitaires étaient toutes, d'une façon ou d'une autre, fondées sur la notion du plus, de la réussite à tous les niveaux, de la santé à toute épreuve, de l'hygiène à tout prix, de la force et de la beauté obtenues en un seul claquement de doigt.
Or, il avait toujours vécu avec la conscience d'être un homme fort peu remarquable, ni bien séduisant ni tellement laid, de taille moyenne, pas très bien bâti, plutôt fragile, pas spécialement attiré par les femmes et fort peu attirant aux yeux de ces mêmes femmes. Bref, il se sentait dans la peau d'un homme comme tant d'autres, anonyme, insignifiant, impersonnel.
Il en avait souffert parfois, il s'y était fait à la longue. Jusqu'au jour où, brusquement, toutes les publicités engrangées lui explosèrent dans la tête pour se concentrer en un seul flash aveuglant, converger vers une volonté bouleversante qui pouvait se résumer en quelques mots : il fallait que ça change, qu'il devienne une bête de consommation pour s'affirmer un autre, un plus, un must, un extrême, un miracle des mirages publicitaires.
Il consacra toute son énergie et tout son argent à atteindre ce but: se dépasser lui-même. Parvenir au stade suprême: celui d'homme de son temps, de mâle, de héros de tous les jours, tous terrains, toutes voiles dehors.

C'est sur le rasoir Gillette qu'il compta pour décrocher la perfection au masculin et s'imposer comme le meilleur de tous en tout dès le matin. La joie de vivre, il l'ingurgita en quelques minutes grâce à deux tasses de Nescafé. Après s'être rasé, il s'imbiba de Savane, l'eau de toilette aux effluves sauvages qui devaient attirer toutes les femmes, à l'exception des laiderons, évidemment. Et pour mettre encore plus d'atouts dans son jeu, en sortant de son bain, il s'aspergea de City, le parfum de la réussite. Sans oublier d'avaler son verre d'eau d'Évian, la seule qui devait le mener aux sources pures de la santé. Il croqua ensuite une tablette de Nestlé, plus fort en chocolat, ce qui ne pouvait que le rendre plus fort dans la vie. Puis il décapsula son Danone se délectant de ce yaourt spermatique, symbole visuel de la virilité. Et termina par quelques gorgées de Contrex, légendaire contrat du bonheur.
Il eut la prudence de mettre un caleçon Dim, celui du mâle heureux. Sa chemise avait été lavée par Ariel qui assurait une propreté insoutenable repérable à cent mètres. Il rangea ses maigres fesses dans un Levi's pour mieux les rendre fascinantes à chaque mouvement. Il enfila ses Nike à coussins d'air, avec la conscience de gagner du ressort pour toute la journée. Son blouson Adidas lui donna un supplément d'aisance, celle des jeunes cadres qui vivaient entre jogging et marketing.
Avant de sortir pour aller au bureau, il vida une bouteille de Coca-Cola pour sentir lui couler dans les veines la sensation Coke, il croqua ensuite une bouchée Lion qui le fit rugir de bonheur et le gorgea d'une bestiale volonté de défier le monde de tous ses crocs. Il ne lui restait plus qu'à poser sur son nez ses verres solaires Vuarnet, les lunettes du champion, et d'allumer une Marlboro, la cigarette de l'aventurier toujours sûr de lui, que ce soit dans la savane ou sur le périphérique.
Lesté, des yeux aux pieds, de tous ces ingrédients de choc, il aborda sa journée de morne travail aux assurances en enlevant avec brio quelques affaires en suspens depuis des semaines et constata que plusieurs employées se retournaient sur son passage dans les corridors, sans compter que l'une d'elles lui avait adressé quelques mots.


Il quitta le bureau au milieu de l'après-midi pour aller dans un pub voisin où il commanda un Canada Dry, le dégustant avec la mâle assurance du buveur de whisky certain de ne pas dévier dans l'ivresse. Et rien qu'en jetant un vague regard derrière lui, il repéra immédiatement une jeune femme qui lui parut digne de se donner à lui. Elle était très joliment faite, un peu timide sans doute, mais l'air pas trop farouche et fort mignonne. Pour un homme peu habitué à la drague, il avait eu du flair et le coup d'œil. Grâce à Pink, Floc, Crash, Zoung, Blom ou Scratch sans doute.
Sans hésiter, il l'invita à prendre un verre à sa table. Elle le regarda de haut en bas, eut presque l'air de le humer, accusa alors un léger mouvement de recul impressionné.
- M'asseoir à votre table? dit-elle d'une voix essoufflée. Je n'oserais jamais. Vous êtes vraiment trop pour moi. .
Il la rassura, l'enjôla, la cajola du regard, de la parole et, à peine une heure plus tard, il se retrouvait avec elle dans son petit appartement de célibataire. Il lui servit un Martini blanc, ne prit rien et lui demanda de l'excuser un instant après lui avoir délicatement effleuré les lèvres. Il ressentait le besoin de se raser de près.
. Il entra dans sa minuscule salle de bains où la jeune femme, subjuguée, le suivit. Il s'aspergea de mousse à raser Williams surglobulée par l'anoline R4 diluée dans du menthol vitaminé, puis il prit son rasoir Gillette et vit sa compagne se décomposer.
- Non, balbutia-t-elle, oh ! non! Moi qui croyais que vous seriez mon idéal.. .Mon rêve de perfection masculine...Mais ce n'est pas avec Contour Gillette que vous vous rasez, c'est avec Gillette G.II... Rien ne sera jamais possible...
Il n'eut même pas le temps de la rattraper, déjà elle avait ouvert et refermé la porte derrière elle.



Merci d'avance. Clara
professeur 8

Re: Le crédo de Jacques Sternberg

Message par professeur 8 » sam. 28 avr. 2012 06:40

Clara,

Tu ne proposes pas l'ombre d'un début de réponse pour les deux premières questions : tu sais pourtant que, sur ce site, nous ne travaillons pas A LA PLACE des élèves ! J'attends donc tes propositions pour te guider.

Quant au sens de cette nouvelle, certes, tu proposes bien une réponse, mais elle est bien banale et superficielle : "la publicité peut dicter nos choix et notre comportement si l'on est aveuglé par elle" ... Réfléchis plutôt à la chute de la nouvelle : un homme qui adore les publicités décide d'acheter les produits qui sont censés le transformer en sur-homme ; tout fonctionne à merveille, il fait la conquête d'une jeune femme subjuguée par sa force, son aisance, sa modernité, mais ... tout s'effondre quand elle remarque qu'il utilise "Gillette G2" et non pas "Contour Gillette". La différence minime entre les deux produits de la même gamme et le retournement de situation qui s'opère sur ce détail infime donnent au comportement de l'homme un aspect totalement ridicule ! Il a pensé à tout, a accumulé les produits qui le rendent irrésistible, mais commet apparemment une faute de goût en se trompant de mousse à raser : c'est totalement absurde, ridicule, sans aucun sens ! Ce qui montre bien que ces publicités n'ont elles-mêmes aucun sens, aucune valeur. La nouvelle tend donc à décrédibiliser la publicité, à montrer qu'elle n'a absolument aucun sens.

Essaie maintenant de proposer des réponses aux premières questions ...
Clara

Re: Le crédo de Jacques Sternberg

Message par Clara » sam. 28 avr. 2012 23:46

D'accord, c'est vrai, désolé, donc pour la première question je pense que les termes utilisés pour désigner l'objectif à atteindre sont : " converger ", " il fallait que ça change ", " qu'il devienne " et " parvenir ". Par contre pour les qualifier ...
Pour la deuxième question, je pense que les expressions qui marquent la chronologie du récit sont : " il ingurgita ", " il s'imbiba ", il s'aspergeât ", " il croqua ","puis il décapsula " et "et termina ". Je ne trouve pas d'impression sur cette accumulation.
Merci pour la réponse du message précédent, elle m'a beaucoup aidée.
professeur 8

Re: Le crédo de Jacques Sternberg

Message par professeur 8 » dim. 29 avr. 2012 09:39

Clara,

Je ne pense pas que tu aies bien vu ce qu'il fallait relever pour répondre à la première question : l'objectif à atteindre est de devenir, grâce aux produits vantés par la publicité, le plus beau, le meilleur, le plus fort, etc. Relève donc dans les paragraphes concernés les mots utilisés pour décrire cet état de perfection ...

Pour la deuxième question, tu as relevé des verbes. Bien sûr, ceux-ci ponctuent la chronologie puisqu'un verbe est toujours conjugué à un temps précis. Mais je pense que ton professeur pense aussi à des mots ou expressions qui marquent plus précisément un temps, un moment (ils occupent la fonction de compléments circonstanciels de temps, et peuvent être des noms, des groupes nominaux, des adverbes, des propositions ...). Essaie de les relever et d'en tirer une conclusion.

Tu essaies de poursuivre et tu nous proposes ton travail ? Bon courage !
Verrouillé