Hida "Le Credo"

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Marion

Hida "Le Credo"

Message par Marion » dim. 8 juin 2014 09:11

Bonjour,

Alors voila pour l'oral d'histoire des arts on a un objet d'étude sur La société de consommation avec comme problématique: En quoi les artistes du XXème siècle critiquent-ils la société de consommation?
J'ai comme œuvre satellite Le Credo de Jacques Sternberg. Je dois donc citer les références de l'œuvre (jusque là pas de problème) ensuite il faut que j'établisse des rapprochements avec la problématique et l'œuvre planète qui est La Dauphine de César. Je dois aussi identifier les formes de l'œuvre(Le Credo) et les décrire (Je ne comprend pas le sens de cette phrases) tout en donnant des éléments d'interprétation.

Voici le texte:

Il avait toujours été fasciné par la publicité à la télévision. Il n’en manquait jamais aucune, les jugeait pleines d’humour, d’invention, et même les films l’intéressaient moins que les coupures publicitaires dont ils étaient lardés. Et pourtant la pub ne le poussait guère à la consommation effrénée, loin de là. Sans être avare, ni particulièrement économe, il n’associait pas du tout la publicité à la notion d’achat.
Jusqu’au jour où il abandonna son apathie d’avaleur d’images pour prendre quelque recul et constater que la plupart des pubs ménagères, alimentaires, vacancières ou banalement utilitaires étaient toutes, d’une façon ou d’une autre, fondées sur la notion du plus, de la réussite à tous les niveaux, de la santé à toute épreuve, de l’hygiène à tout prix, de la force et de la beauté obtenues en un seul claquement de doigt.
Or, il avait toujours vécu avec la conscience d’être un homme fort peu remarquable, ni bien séduisant ni tellement laid, de taille moyenne, pas très bien bâti, plutôt fragile, pas spécialement attiré par les femmes et fort peu attirant aux yeux de ces mêmes femmes. Bref, il se sentait dans la peau d’un homme comme tant d’autres, anonyme, insignifiant, impersonnel.
Il en avait souffert parfois, il s’y était fait à la longue. Jusqu’au jour où, brusquement, toutes les publicités engrangées lui explosèrent dans la tête pour se concentrer en un seul flash aveuglant, converger vers une volonté bouleversante qui pouvait se résumer en quelques mots : il fallait que ça change, qu’il devienne une bête de consommation pour s’affirmer un autre, un plus, un must, un extrême, un miracle des mirages publicitaires.
Il consacra toute son énergie et tout son argent à atteindre ce but: se dépasser lui-même. Parvenir au stade suprême: celui d’homme de son temps, de mâle, de héros de tous les jours, tous terrains, toutes voiles dehors.
C’est sur le rasoir Gillette qu’il compta pour décrocher la perfection au masculin et s’imposer comme le meilleur de tous en tout dès le matin. La joie de vivre, il l’ingurgita en quelques minutes grâce à deux tasses de Nescafé. Après s’être rasé, il s’imbiba de Savane, l’eau de toilette aux effluves sauvages qui devaient attirer toutes les femmes, à l’exception des laiderons, évidemment. Et pour mettre encore plus d’atouts dans son jeu, en sortant de son bain, il s’aspergea de City, le parfum de la réussite. Sans oublier d’avaler son verre d’eau d’Évian, la seule qui devait le mener aux sources pures de la santé. Il croqua ensuite une tablette de Nestlé, plus fort en chocolat, ce qui ne pouvait que le rendre plus fort dans la vie. Puis il décapsula son Danone se délectant de ce yaourt spermatique, symbole visuel de la virilité. Et termina par quelques gorgées de Contrex, légendaire contrat du bonheur.
Il eut la prudence de mettre un caleçon Dim, celui du mâle heureux. Sa chemise avait été lavée par Ariel qui assurait une propreté insoutenable repérable à cent mètres. Il rangea ses maigres fesses dans un Levi’s pour mieux les rendre fascinantes à chaque mouvement. Il enfila ses Nike à coussins d’air, avec la conscience de gagner du ressort pour toute la journée. Son blouson Adidas lui donna un supplément d’aisance, celle des jeunes cadres qui vivaient entre jogging et marketing.
Avant de sortir pour aller au bureau, il vida une bouteille de Coca-Cola pour sentir lui couler dans les veines la sensation Coke, il croqua ensuite une bouchée Lion qui le fit rugir de bonheur et le gorgea d’une bestiale volonté de défier le monde de tous ses crocs. Il ne lui restait plus qu’à poser sur son nez ses verres solaires Vuarnet, les lunettes du champion, et d’allumer une Marlboro, la cigarette de l’aventurier toujours sûr de lui, que ce soit dans la savane ou sur le périphérique.
Lesté, des yeux aux pieds, de tous ces ingrédients de choc, il aborda sa journée de morne travail aux assurances en enlevant avec brio quelques affaires en suspens depuis des semaines et constata que plusieurs employées se retournaient sur son passage dans les corridors, sans compter que l’une d’elles lui avait adressé quelques mots.
Il quitta le bureau au milieu de l’après-midi pour aller dans un pub voisin où il commanda un Canada Dry, le dégustant avec la mâle assurance du buveur de whisky certain de ne pas dévier dans l’ivresse. Et rien qu’en jetant un vague regard derrière lui, il repéra immédiatement une jeune femme qui lui parut digne de se donner à lui. Elle était très joliment faite, un peu timide sans doute, mais l’air pas trop farouche et fort mignonne. Pour un homme peu habitué à la drague, il avait eu du flair et le coup d’œil. Grâce à Pink, Floc, Crash, Zoung, Blom ou Scratch sans doute.
Sans hésiter, il l’invita à prendre un verre à sa table. Elle le regarda de haut en bas, eut presque l’air de le humer, accusa alors un léger mouvement de recul impressionné.
- M’asseoir à votre table? dit-elle d’une voix essoufflée. Je n’oserais jamais. Vous êtes vraiment trop pour moi. .
Il la rassura, l’enjôla, la cajola du regard, de la parole et, à peine une heure plus tard, il se retrouvait avec elle dans son petit appartement de célibataire. Il lui servit un Martini blanc, ne prit rien et lui demanda de l’excuser un instant après lui avoir délicatement effleuré les lèvres. Il ressentait le besoin de se raser de près.
. Il entra dans sa minuscule salle de bains où la jeune femme, subjuguée, le suivit. Il s’aspergea de mousse à raser Williams surglobulée par l’anoline R4 diluée dans du menthol vitaminé, puis il prit son rasoir Gillette et vit sa compagne se décomposer.
- Non, balbutia-t-elle, oh ! non! Moi qui croyais que vous seriez mon idéal.. .Mon rêve de perfection masculine...Mais ce n’est pas avec Contour Gillette que vous vous rasez, c’est avec Gillette G.II... Rien ne sera jamais possible...
Il n’eut même pas le temps de la rattraper, déjà elle avait ouvert et refermé la porte derrière elle.

Jacques Sternberg, Histoires à dormir sans vous, 1990.


Je pense que la forme de l'œuvre c'est une nouvelle , je ne sais pas de quel type, et je pense que comme rapprochement avec la Dauphine je dois dire qu'elles critiquent toutes les deux la société de consommation.
professeur 16
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Re: Hida "Le Credo"

Message par professeur 16 » dim. 8 juin 2014 11:29

Bonjour,

C'est une nouvelle, certes, mais la question est de savoir en quoi ce texte critique la société de consommation ?
Relève les différentes marques, les allusions à des publicités célèbres, et analyse le rôle qu'elles jouent sur le comportement du personnage : en quoi est-il manipulé par la société de consommation ? En quoi la fin dénonce-t-elle cette soumission ?

La Dauphine de César, du milieu des années 60, rouge carmin, un modèle extrêmement répandu sur le territoire national à l'époque. On peut même dire que, pour la société de l’époque, elle est le symbole - même de l’accession à un certain niveau de vie, disons, petit bourgeois. Fabriquée en très grande série, accessible au budget de nombreuses familles françaises, elle représente un modèle simple, facile à conduire et le moyen d’une évasion hors d’un quotidien monotone ou peu intéressant. En tant qu’objet symbole et aussi en tant qu’objet de consommation de masse, César l’a privilégiée dans le parc automobile disponible.

Lorsqu’on l’observe, elle a repris toute sa valeur d’objet, un objet dont on peut reconnaître les composantes, le volant, la galerie du tableau de bord, les phares, la plaque minéralogique, tous ces différents caractères qui avaient disparu des compressions automobiles des années 60. Lors de sa présentation à la Rotonda della Besana, elle a été perçue comme une critique violente de la société de consommation. Pourquoi, à ton avis ?

Bon courage !
Verrouillé